Une notion essentielle est prévue par la loi : "toute réquisition ou assignation au travail doit être effectuée sous contrôle du juge".

Aussi, si l'on considère comme abusives les réquisitions ou assignations au travail dans tel établissement, le ou les syndicats ayant appelé à la grève peuvent saisir le référé du Tribunal Administratif.

Or, pour saisir le référé du Tribunal Administratif plusieurs conditions doivent être remplies.

Il faut justifier que la Direction a refusé toute négociation ou rencontre dans le cadre de la loi de juillet 1963 (maintenant, articles L2512-1 à L2512-5 du code du travail) et de la circulaire du 4 août 1981.

Ou bien justifier que la Direction tout en ayant accepté la rencontre n'a rien voulu entendre sur les propositions syndicales en matière de service minimum.

Justifier enfin que les réquisitions ou assignations au travail sont abusives.

Seulement pour apprécier le caractère abusif des réquisitions ou assignations, encore faut-il en connaître la portée et c'est là qu'intervient le dispositif que doit mettre en place la direction pour, non seulement informer les agents privés du droit de grève, mais également l'organisation ou les organisations syndicales ayant déclenché l'action gréviste.

Bien qu'il n'y ait aucune procédure réglementaire précise en matière de notification des assignations ou réquisitions tant auprès des intéressés que des syndicats, l'administration n'en a pas moins le devoir et l'obligation de respecter un certain nombre de dispositions minimales de nature à permettre individuellement (aux agents réquisitionnés ou assignés) et collectivement (aux syndicats) de se pourvoir devant le Tribunal Administratif en cas d'abus exercé par l'autorité investie du pouvoir de nomination voire du Préfet.

Or, ces dispositions minimales sont pour l'essentiel :

a) à l'égard des agents pris individuellement :

que la notification soit matérialisée soit par lettre recommandée avec accusé de réception parvenue au moins la veille du déclenchement de la grève, soit par tout autre moyen irréfutable (par exemple remise du pli à l'agent, contre émargement de la liste ou remise d'un récépissé signé). Dans tous les cas il faut réfuter certaines pratiques tendant à la réquisition par voie d'affichage dans l'établissement ou le service (certains agents réquisitionnés peuvent être absents du service au moment de l'affichage et se trouver ainsi en situation illicite le jour de la grève parce qu'ils n'auront pas pris connaissance de leur assignation au travail).

b)  à l'égard des syndicats :

que la liste des agents requis ou assignés, établie par service, soit immédiatement portée à la connaissance des syndicats de façon qu'ils soient en mesure d'apprécier avec les intéressés, s'il y a des réquisitions ou assignations abusives et auquel cas saisir le référé du Tribunal Administratif.

S'il y a constat de réquisitions abusives.

- Il convient de saisir immédiatement le référé du Tribunal Administratif du territoire dont relève l'établissement en expliquant les faits (refus de négociations ou rejet de toutes propositions syndicales sur le service minimum, énumération des services ou catégories réquisitionnés abusivement comparativement au service du dimanche ou jour férié, sans exclure tout autre point de référence ;

- citer éventuellement certains cas de chefs de service ayant renforcé leur programme de travail anormalement pour provoquer des réquisitions ;

- citer les services administratifs ou techniques et ouvriers assignés au travail alors qu'il est constant que ces services, sauf quelques personnes pour la sécurité, ne sont pas visés par les réquisitions.

Vérifier si les non grévistes d'un services sont susceptibles d'assurer le service minimum, alors que les grévistes dudit service auront été réquisitionnés ; vérifier si des agents en congé ou repos hebdomadaire ne sont pas délibérément requis ne serait-ce que pour créer le discrédit sur la grève et les syndicats l'ayant déclenchée etc…)

Mais la saisine strictement administrative du Tribunal n'est pas toujours suffisante pour créer les conditions d'une condamnation de la direction fautive. Aussi, convient-il d'y associer l'action syndicale.

C'est ainsi qu'on aura soin de publier immédiatement un tract condamnant ce type d'entrave aux libertés avec tous arguments appropriés ; on engagera par exemple une pétition des agents assignés ou réquisitionnés (voire plus largement), qui pourra être jointe à la requête auprès du Tribunal Administratif ; on adressera une protestation motivée sous forme de plainte auprès du Préfet pour information on adressera cette même plainte au Ministère par l'intermédiaire de la Fédération. On saisira le Président du Conseil d'Administration de l'établissement en lui demandant d'intervenir immédiatement ; enfin on essaiera de faire "parler" les médias pour rendre public le conflit, son évolution, ses conséquences.

Nota : le Tribunal Administratif en procédure d'annulation peut être saisi dans le délai de deux mois suivant la notification de la décision.

La désignation :
On parle souvent abusivement de réquisition et de service minimum, mais certains personnels peuvent être désignés pour rester à leur poste en cas de grève.
Cette procédure ne repose sur aucune base légale ni réglementaire, mais seulement sur la jurisprudence (arrêt Dehaene, Conseil d’État du 7 juillet 1950).
Ainsi, le Conseil d’État estime que l'autorité administrative (ministres, chefs de service, exécutif territorial, direction d'établissement public, ou tutelle des établissements) peut prendre des mesures sous forme de circulaires, ou de décisions, précisant quels sont les personnels qui doivent rester à leur poste en cas de grève. Il ne peut s’agir que des personnels d’autorité et des personnels, quel que soit leur niveau hiérarchique, indispensables à l'action gouvernementale, à la garantie de la sécurité des personnes ou à la conservation des installations et du matériel.
Mais ces mesures ne peuvent pas avoir un caractère général. Et elles restent sous le contrôle du juge administratif.
C’est en vertu de ces considérations que peuvent exister dans les ministères, les directions, les services ou les établissements des listes de personnels tenus à rester à leur poste en cas de grève. Les personnels inscrits sur ces listes doivent recevoir, en cas de grève, une lettre individuelle les désignant pour être présents le jour de la grève.
Ainsi, une circulaire du Ministre de la santé, du 10 mars 1982, concernant les établissements sociaux du secteur public, précise les règles applicables pour l’organisation d’un "service minimum" en cas de grève. Il s'agit en fait d'assurer la sécurité des personnes et des installations.

Voir le site du Conseil d'État son analyse sur le droit de grève des fonctionnaires au regard de l'arrêt Dehaene

Réquisition :

La réquisition issue de la loi cadre du 11 juillet 1938* dont seules les autorités gouvernementales sont détentrices du droit de réquisition, mais peuvent déléguer ce droit aux autorités administratives responsables d'un service public ou les Préfets Commissaires de la République détiennent le pouvoir de réquisition.

Assignation, voire désignation :

L'assignation au travail qui est une décision privative de l'exercice du droit de grève, mais prononcée en dehors de la loi du 11 juillet 1938 sur le droit de réquisition et qui peut être prise par tout chef de service (chef d'établissement) sous contrôle du juge administratif.

* : Nouveaux textes dans le code de la défense