ANNEXE 2 : LE NON RENOUVELLEMENT DES CONTRATS

 

 

1- L’encadrement jurisprudentiel d’une éventuelle décision de non renouvellement de contrat

 

L'absence  de  droit  au  renouvellement  conduit  à  une  absence de  motivation  formelle  de  la  décision.  Une décision de  non  renouvellement n'est  donc  pas entachée d'illégalité si elle ne  mentionne pas les éléments de droit et/ou  de fait sur laquelle elle est fondée.

 

Si, formellement, la décision de  non  renouvellement d’un contrat  n’a pas à  être  motivée, le juge administratif vérifie qu’un motif d’intérêt général justifie le non  renouvellement. En  tout  état  de  cause, il  contrôle l’erreur manifeste d’appréciation des faits.

 

Outre  le lien avec  l'intérêt du service, le juge contrôle la réalité des motifs et peut  ordonner à l’administration de lui faire connaître les motifs d’une décision de non renouvellement de contrat  (CE, 26 juin 1974,  n°91099; CAA Lyon,  21  juin  2005,  n°00LY02432 et  00LY02702  ; TA de  Cergy  Pontoise  n°0709150 du  28  juin  2010  ; CAA Paris, 31 juillet 2015,  n°14PA01172 ; CE, 23 décembre 2015,  n°382005).

 

Les  faits  invoqués  par  l’administration  doivent  être   matériellement  établis,  sous peine  d’annulation  de   la décision de  non  renouvellement (CAA de  Nancy,  23 septembre 2010,  n°09NC01513 ; TA de  Paris, 27 janvier 2011,  n°0903189/5-2; TA de Cergy Pontoise, 28 juin 2010,  n°0709150).

 

Le juge administratif reconnaît la légalité d’une décision de  non  renouvellement lorsqu’elle est  fondée sur  des motifs « tirés de  l’intérêt du  service ou  pris en  considération de  la personne » (CE,  4 juil. 1994,  n°118298). L’intérêt  du  service  s’apprécie  au   regard des  nécessités  liées  à  l’organisation  du  service  telles  que   les contraintes  budgétaires  ou  la  disparition  ou  l’évolution  des besoins,  soit  au  regard du  comportement et  à l’aptitude de l’agent aux fonctions et dans l’exercice de ses fonctions, ceci englobant l’inaptitude professionnelle et la faute disciplinaire.

 

Lorsque  le  juge  estime  que   les  motifs  du  non   renouvellement  ne   sont pas  légaux,  il   peut   condamner l’administration, dont  la responsabilité est  engagée, à verser des indemnités pour  réparer l'éventuel préjudice (CE, 23 fév. 2001,  n°190742).

 

2- Les motifs légaux

 

Les décisions de non-renouvellement des contrats des agents contractuels doivent être  motivées par l’intérêt du service.  Les  décisions de  non  renouvellement  fondées  sur  les  motifs  suivants  ont  été  jugées  conformes  à l'intérêt du service :

 

- la suppression de l’emploi (CE, 29 avril 2014,  n°355672) peut  justifier un non renouvellement de contrat,  de même  qu’une  réorganisation  de  service  (CAA  Nancy,   26  février  2015,   n°14NC00174 :  « il  ressort   des comptes rendus  du  comité  technique  paritaire,  produits  en  défense par l'administration,  que  le  service  a fait l'objet  d'une   réorganisation  au  cours  de   l'année  2012,   en   raison  notamment  de   la  reprise  en   régie  de l'exploitation des déchetteries et des activités de  sélection et de  valorisation des déchets ; qu'ainsi, il n'est pas établi que  la décision attaquée serait intervenue pour des motifs étrangers à l'intérêt du service, ou encore la disparition ou  l’évolution du besoin ayant  justifié la conclusion du  contrat  (CAA de  Paris, 31  janvier 2011, n°09PA02330 ; TA de Lyon, 14 février 2011,  n°0808649) ;

 

- disparition de l'activité  pour laquelle l'agent avait été  recruté (CAA Nantes, 8 mars 2002,  n°98NT02552)

 

- modification importante du poste auquel a été  intégrée une  fonction de comptable pour laquelle l'agent n'avait aucune compétence (CAA Paris, 9 juillet 2009,  n°07PA00519) ;

 

- décision de l'autorité administrative de ne pas pourvoir  l'emploi  dans l'immédiat, dans l'attente des résultats d'une  réflexion engagée sur l'activité des services (CAA Bordeaux, 4 juillet 2005,  n°01BX01672) ;

 

- recrutement d'un  fonctionnaire titulaire  (CAA Nancy,  2 juin 2005,  n°02NC00640). C’est la conséquence directe du principe de  l’occupation des emplois permanents par  des fonctionnaires qui impose d’accorder une priorité d’emploi aux  fonctionnaires, susceptible d’être réaffirmée au  moment du  renouvellement du  contrat  à durée déterminée ;

 

- recrutement d'un autre  agent contractuel, à condition que  ce  nouveau recrutement présente un avantage déterminant  pour   l'intérêt  du  service  (CAA  Bordeaux,  6  juil.  2004,   n°01BX00224 :  au   cas  d’espèce,  le remplacement  un   directeur  technique  contractuel  par   un   autre    contractuel   également  qualifié  comme décorateur, a permis d'assurer une  meilleure coordination avec  l'atelier des décors et, par la production interne de décors, de réaliser des spectacles à moindre coût) ;

 

- une  décision de  non  renouvellement de  contrat  prise en  considération de  la personne peut  être  légalement fondée lorsqu’elle est  justifiée par le comportement de l’agent : insuffisance professionnelle ou faits tirés du comportement de l’intéressé (CE, 5 déc.  2005,  n°262948 ; CE n°17932 du 23 janvier 1981  ; CE n°118298 du 4 juillet 1994  ; CE  n°126194 du  23  décembre 1994).  A cet  égard, il  appartient au  juge de  rechercher si les éléments ne  révèlent pas une  insatisfaisante manière de  servir, de  nature à  justifier au  regard de  l'intérêt du service le refus de renouveler le contrat  (CE, 15 décembre 2014,  n°366426) ;

 

- manquements  aux  obligations professionnelles : absences injustifiées,  refus  d'exécution  de  tâches liées aux fonctions (CAA Bordeaux, 10 février 2004,  n°00BX00997) ;

 

- faute disciplinaire (CE,  23  janvier 1981,  Mongin). Lorsque la décision de  non  renouvellement du  contrat  se fonde sur des fautes reprochées à l’intéressé, elle présente un caractère disciplinaire et exige,  par conséquent, le respect des droits de la défense, le caractère contradictoire de la procédure et la motivation (CE, 7 décembre 1983,  n°44750) ;

 

- non-respect d'une  stipulation du contrat  de  recrutement faisant obligation à l'agent de  se présenter à un concours déterminé avant  le terme  de l'engagement (CAA Paris, 30 décembre 2005,  n°01PA01793) ;

 

- refus  de suivre une  formation pour obtenir un certificat d’aptitude professionnelle qui aurait permis à l’agent d’acquérir les compétences nécessaires pour  mieux répondre aux  besoins du service et d’être titularisé (CAA Lyon, 28 fév. 2006,  n°01LY00864) ;

 

- nécessités  de  service  liées  aux  incidences  sur l’organisation  du service  des nombreuses absences pour maladie de l’agent (167 jours sur trois ans), dont les fonctions étaient l’aide à domicile des personnes âgées et dépendantes (CAA Marseille, 22 oct. 2010,  n°08MA03258) ;

 

L'appréciation de l'intérêt du service peut être très large : la liste ci-dessus mentionnée n’est pas exhaustive.

 

3- Les motifs illégaux

 

À l'inverse, les décisions de non renouvellement suivantes ont été  annulées :

 

- Toute  décision de  non  renouvellement d’un contrat  fondée sur  la volonté de  priver l’agent de  la possibilité de  bénéficier  d’un  CDI  est  illégal   (CAA Bordeaux,  2  février  2010,   n°09BX00963 :  la  décision par  laquelle l’administration a refusé de  renouveler le contrat  de Mme  X n'a pas été  dictée  par la manière de  servir de l'intéressée, mais dans le but de  ne  pas faire bénéficier Mme  X d'un  contrat  à durée  indéterminée en  application des dispositions de  la loi n°

2005-843 du 26 juillet 2005 ; qu'un tel motif est entaché d'illégalité ) ;

 

Il convient  de noter  que  le juge sanctionne le refus de conclusion du contrat  à durée indéterminée au motif qu’il entraînerait  une   dépense  excessive pour  le  budget de  la  collectivité  ou  sur  une  trop  longue  durée (CAA Versailles, 21 janvier 2010,  n°08VE00628) ;

 

- une décision prise uniquement en raison de considérations d'ordre politique (CE, 2 février 2000,  n°196157) ;

 

- une  décision motivée par  le fait que  l’agent avait obtenu des congés  pour  raisons de  santé liés à  sa grossesse et  avait ensuite demandé un  congé parental (CE,  9 août  2006,  n°281972 « Considérant (…)  que  la décision du ministre  de  la défense en  date  du 27 avril 2005  confirmant le refus de  renouvellement du contrat  de  Mme  a été motivée non par l'inaptitude de l'intéressée à remplir les fonctions qui lui avaient  été  confiées mais  par la circonstance qu'elle avait obtenu des congés prolongés imputables aux incidents médicaux qui avaient  accompagné sa grossesse et qu'elle  avait ensuite demandé un congé parental d'éducation ; qu'un tel motif n'est pas de nature à être retenu  pour justifier la mesure prise à l'encontre de Mme»  ) ;

 

-  L’autorité  administrative  ne  peut   refuser  de  renouveler  l’engagement  d’un  agent  au  seul motif  de  sa grossesse (CE, 17 février 1992, n°96013) néanmoins,  cet  état  n’empêche  pas de  refuser  le  renouvellement dès lors qu’un motif tiré de  l’intérêt du service ou de  l’insuffisance professionnelle de  l’agent peut  être  avancé (CAA de Nantes, 15 octobre 1998, n°95NT00008) ;

 

- une décision fondée sur une  réorganisation des services dont l'administration ne peut prouver  la réalité  (CAA Lyon, 18 mars 2014,  n°12LY22805 ; CAA Paris, 27 mai 1999,  n°98PA00890) ;

 

- une  décision motivée par  la réalisation d'économies budgétaires non  quantifiées et non  indispensables à l'équilibre  des finances de la collectivité (CAA Nancy,  14 nov. 2002,  n°97NC01906) ;

 

- le remplacement d’un titulaire en  congé de  maladie, immédiatement suivi du recrutement d’un nouvel agent contractuel,  sans  que   celui-ci  n’apporte  un  avantage  déterminant  pour   le  service  (CAA  Nancy,   18 novembre 2004,  n°99NC01046) ;

 

-  une  décision  motivée  par  le  fait  que  l'agent  a  adressé un  courrier  à  l'autorité  territoriale  exprimant  son désaccord quant  à sa condition d'emploi et son intention de  saisir le juge administratif (CAA Nancy,  5 avril 2012,  n°11NC00634).