Procédure d'alerte et droit de retrait en cas de danger grave et imminent applicable à la Fonction Publique d'État depuis 1995

(Source : Académie d'Aix/Marseille)

1 - Préambule
 
La notion de "Procédure d'alerte et de droit de retrait en cas de danger grave et imminent" est applicable à la " Fonction Publique d'État" depuis 1995.

Dans les textes réglementaires, le mot"entreprise" sera pris au sens "d'établissement" ou de "service". L'expression "chef d'entreprise" sera pris au sens de "chef d'établissement" ou de "chef de service".

Le sigle CHS sera pris au sens de "Comité Hygiène et Sécurité" (spécial, départemental ou académique) ou au sens de "Commission Hygiène et Sécurité".

  • Dans les Établissements publics du 2ème degré, le droit de retrait sera d'abord pris en compte au niveau de la Commission Hygiène et Sécurité de l'établissement, avant de saisir si nécessaire le Comité Hygiène et Sécurité compétent (niveau départemental).
  • Dans les écoles, le droit de retrait sera être pris en compte par le Comité Hygiène et Sécurité Départemental.
  • Dans les établissements administratifs, le droit de retrait sera pris en compte, soit par le Comité Hygiène et Sécurité Spécial s'il existe, soit par le Comité Hygiène et Sécurité compétent (départemental ou académique).

2 - Définition
 
Extrait des Textes " Fonction Publique d'État" : le décret 82-453 (28 mai 1982 modifié 1995) et la circulaire 95-1353 (24 janvier 1996) intitulés : " Hygiène, Sécurité du travail et Médecine de prévention dans la Fonction Publique d'État" (BOEN n° 21 du 23 mai 1996)

Art. 5-6 - Danger grave et imminent, définition, procédure d'alerte, droit de retrait de l'agent

" Si un agent a un m(**) Le bénéfice de la faute inexcusable de l'employeur est de droit pour les agents non fonctionnaires,victimes d'un accident du travail lorsque le risque signal s'est matérialisé (voir article 5.9 dans le le document à télécharger)otif raisonnable de penser que sa situation de travail présente un danger grave et imminent pour sa vie ou pour sa santé ou s'il constate une défectuosité dans les systèmes de protection, il en avise immédiatement l'autorité administrative.
Aucune sanction, aucune retenue de salaire ne peut être prise à l'encontre d'un agent ou d'un groupe d'agents qui se sont retirés d'une situation de travail dont ils avaient un motif raisonnable de penser qu'elle présentait un danger grave et imminent pour la vie ou la santé de chacun d'eux.
La faculté ouverte au présent article doit s'exercer de telle manière qu'elle ne puisse créer pour autrui une nouvelle situation de danger grave et imminent.
L'autorité administrative ne peut demander à l'agent de reprendre son activité dans une situation de travail où persiste un danger grave et imminent..."

    • La Notion de danger grave et imminent

Condition d'exercice du droit de retrait
L'existence d'un danger grave et imminent est une condition d'exercice du droit d'alerte et de retrait. Cette notion doit être précisée autant que possible, car elle est une source évidente de contestation.
Elle doit être perçue d'une manière objective, le plus souvent : existe-t-il un danger grave et imminent ? Mais elle doit parfois être perçue de manière subjective : le salarié avait-il un motif raisonnable de se croire menacé par un danger grave et imminent ?

Définition
Le danger est une menace pour la vie ou la santé du salarié, c'est-à-dire une situation de fait en mesure de provoquer un dommage à l'intégrité physique du travailleur. Ce danger doit être grave, c'est à dire susceptible d'entraîner des conséquences fâcheuses, des suites sérieuses. L'imminence évoque la survenance d'un événement, dans un avenir très proche, dans très peu de temps. Selon H. Seillan, il y a danger grave et imminent lorsqu'on est en présence d'une menace susceptible de provoquer une atteinte sérieuse à l'intégrité physique d'un travailleur, dans un délai très rapproché.

La notion de danger grave et imminent concerne plus particulièrement les risques d'accidents, puisque l'accident est dû à une action soudaine entraînant une lésion au corps humain. Les maladies sont le plus souvent consécutives à une série d'événements à évolution lente. Cependant, la vitesse de réalisation du dommage importe peu. Que le dommage se réalise progressivement ou instantanément, le risque proche d'une dégradation de la santé du travailleur constitue un danger grave et imminent. Le danger peut provenir d'une machine, d'un processus de fabrication ou d'une ambiance de travail (Décl. min. Trav. : JOAN Q, 24 sept. 1982, p. 5086).


L'appréciation du danger grave et imminent nécessite une analyse prévisionnelle de la situation. Il convient de mesurer les risques de survenance du dommage, son importance et ses caractéristiques. Cette analyse n'est pas seulement menée de manière objective, compte tenu des données actuelles des sciences et des techniques. L'analyse objective permettra, après inspection des lieux de travail, d'envisager et de mettre en oeuvre des mesures de prévention. Cependant, quant à l'exercice du droit d'alerte et de retrait, la notion de danger grave et imminent doit être appréciée d'une manière subjective. En cas de contestation, il faudra rechercher si le salarié avait un motif raisonnable de penser que sa vie ou sa santé était en danger. Cette appréciation doit tenir compte des connaissances techniques et scientifiques du salarié, des circonstances concrètes de sa situation.

3 - Procédure d'alerte
 
Selon les dispositions du décret, le fonctionnaire ou l'agent se voit reconnaître un droit de retrait de son poste de travail face à un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé, sans encourir de sanction ni de retenue de traitement ou de salaire (voir schéma général à l'annexe no 1 de la présente circulaire).
La notion de danger doit être entendue, par référence à la jurisprudence sociale, comme étant une menace directe pour la vie ou la santé du fonctionnaire ou de l'agent, c'est-à-dire une situation de fait en mesure de provoquer un dommage à l'intégrité physique de la personne :

- Le danger en cause doit donc être grave et susceptible de produire un accident ou une maladie entraînant la mort ou paraissant devoir entraîner une incapacité permanente ou temporaire prolongée ;

- Le caractère imminent du danger implique la survenance d'un événement dans un avenir très proche quasi immédiat.

 Procédure d'ALERTE et droit de RETRAIT en cas de danger grave et imminent Articles 5.6 à 5.9 du décret du 28 mai 1982 modifié

 

 Un membre du CHS constate qu'il existe une cause de danger grave et imminent

Un Agent pense qu'une situation de travail présente un danger grave ou imminent pour sa vie ou sa santé

 ê

ê

 Information de l'autorité administrative (1)et signalement sur le registre spécial (2)

Information de l'autorité administrative (1) et signalement sur le registre spécial (2)

ê

 ê

   L'agent se retire de la situation de travail ou L'agent continue de travailler -----------> voir bas du tableau (**)

ê

ê

 Enquête immédiate menée par l'autorité administrative (1) et le membre du CHS auteur du signalement

 Enquête immédiate menée par l'autorité administrative (1)

Accord sur les mesures pour faire cesser le danger----------->voir bas du tableau (*) 

OU

Désaccord sur la réalité du danger ou les mesures à prendre

Désaccord entre le salarié et l'autorité administrative

Accord sur les mesures pour faire cesser le danger 

ê

ê

 ê

 Réunion du CHS dans les 24 heures avec présence de plein droit de l'Inspecteur du Travail

Retrait estimé injustifié

 Retrait justifié

ê

 ê

 ê

 L'autorité administrative arrête les mesures à prendre. Le cas échéant, mise en demeure à l'agent de reprendre le travail avec conséquences de droit

Mise en demeure à l'agent de reprendre le travail avec conséquences de droit dans le cas d'un retrait estimé injustifié

Aucune sanction ni retenue de traitement ou salaire

ê

 ê

 ê

 (*) Application des mesures destinées à faire disparaître le danger

 (*) Application des mesures destinées à faire disparaître le danger

ê

ê

(**) Le bénéfice de la faute inexcusable de l'employeur est de droit pour les agents non fonctionnaires,victimes d'un accident du travail lorsque le risque signal s'est matérialisé (voir article 5.9)

(**) Le bénéfice de la faute inexcusable de l'employeur est de droit pour les agents non fonctionnaires,victimes d'un accident du travail lorsque le risque signal s'est matérialisé (voir article 5.9)

 (1) Information souhaitable et opportune de l'autorité administrative ou son représentant

(2) Voir modèle de page du registre spécial.

Jurisprudence :

  • Lettre du Tribunal N°5, premier semestre 2009, page 13
    N°30 - Fonctionnaires et agents publics –
    Droit de retrait
    Dans cette affaire le Tribunal reconnaît à un professeur de lycée le droit de retrait, conditionné par décret par un « danger grave et imminent », dans le contexte d’attaque de « bandes » au sein de l’établissement et de l’agression la veille d’un surveillant à l’extérieur. Le Tribunal a retenu qu’il y avait dans ce climat de troubles extrêmes un risque avéré d’atteinte à l’intégrité physique et que ce risque pouvait intervenir à tout moment dès lors que les personnes étaient présentes dans l’établissement. Le droit de retrait n’est plus justifié à partir du retour au calme assuré, en l’espèce le lendemain de la première journée de mise en place d’un service de protection
    policière.
    (Jugement du 3 juillet 2008 n°0401959, Mlle FUENTES, 4ème chambre).
  • Décision du conseil d'état N° 320935, du 2 juin 2010, faisant suite à un pourvoi en cassation présenté par le Ministre de l'Education Nationale contre la décision du tribunal administratif de Cergy Pontoise (voir ci-dessus) d'enjoindre le recteur de l'académie de Versailles de rembourser à Mlle A la somme, correspondant à une retenue de quatre journées de salaire retirées dans la cadre d'un droit de retrait, dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement du TA de Cergy Pontoise.  Cependant, le pourvoi du Ministère de l'Education Nationale ne portait seulement que sur le remboursement de la dernière des quatre journées utilisées dans la cadre du droit de retrait.
    •  Vu le pourvoi, enregistré le 9 septembre 2008 au greffe de la cour administrative d'appel de Versailles, présenté par le MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE, qui demande au Conseil d'Etat d'annuler les articles 1er et 2 du jugement du 3 juillet 2008 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise en tant que, statuant sur la demande de Mlle Stéphanie A, il a annulé, dans la mesure où elle porte sur la retenue effectuée sur son traitement pour absence de service fait pendant la journée du 29 janvier 2003, la décision du 12 janvier 2004 du ministre délégué à l'enseignement scolaire rejetant son recours hiérarchique formé contre la décision du 21 octobre 2003 du recteur de l'académie de Versailles ayant rejeté sa demande tendant au retrait de cette retenue, et a enjoint dans cette même mesure au recteur de rembourser à Mlle A la somme correspondant à cette retenue dans un délai de trois mois à compter de la notification de ce jugement ; 

      " Considérant qu'aux termes de l'article 5-6 du décret du 28 mai 1982 relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la prévention médicale dans la fonction publique : Si un agent a un motif raisonnable de penser que sa situation de travail présente un danger grave et imminent pour sa vie ou pour sa santé ou s'il constate une défectuosité dans les systèmes de protection, il en avise immédiatement l'autorité administrative. / Aucune sanction, aucune retenue de salaire ne peut être prise à l'encontre d'un agent ou d'un groupe d'agents qui se sont retirés d'une situation de travail dont ils avaient un motif raisonnable de penser qu'elle présentait un danger grave et imminent pour la vie ou la santé de chacun d'eux. / La faculté ouverte au présent article doit s'exercer de telle manière qu'elle ne puisse créer pour autrui une nouvelle situation de danger grave et imminent. / L'autorité administrative ne peut demander à l'agent de reprendre son activité dans une situation de travail où persiste un danger grave et imminent (...) ;

      Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à la suite de divers actes de violence intervenus au lycée Romain Rolland de Goussainville (Val-d'Oise), Mlle A, professeur dans cet établissement, a exercé le droit de retrait prévu par ces dispositions au cours des journées des 23, 27, 28 et 29 janvier 2003 ; qu'elle a repris son service le 5 février 2003 après avoir reçu une lettre de l'inspecteur d'académie du 4 février 2003 informant les enseignants des mesures prises pour améliorer la sécurité dans l'établissement ; qu'au titre de l'absence de service fait durant ces quatre jours, l'administration a effectué une retenue sur son traitement du mois de juillet 2003 ; que, par une décision du 12 janvier 2004, le ministre délégué à l'enseignement scolaire a rejeté le recours hiérarchique présenté par Mlle A contre cette retenue ; que le MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE se pourvoit en cassation contre le jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 3 juillet 2008 en tant seulement que, pour la retenue effectuée sur le traitement au titre de la journée du 29 janvier 2003, il a, dans cette mesure, annulé cette décision et enjoint au recteur de l'académie de Versailles de rembourser à l'intéressée la somme correspondant à cette retenue ;

      Considérant qu'après avoir relevé qu'à la suite des mesures prises conjointement par les services de la préfecture du Val-d'Oise et le rectorat de l'académie de Versailles, le calme était revenu le 29 janvier 2003 dans le lycée dans lequel Mlle A enseignait, le tribunal a jugé que la situation de ce lycée justifiait l'utilisation par cette enseignante de son droit de retrait et l'absence de service fait au cours de cette journée, dès lors qu'elle n'avait été informée de ces mesures que par une lettre du 4 février 2003 ; qu'en statuant ainsi, alors que les dispositions de l'article 5-6 du décret du 28 mai 1982 ne subordonnent pas la reprise de leur service par les agents qui ont exercé ce droit à une information préalablement délivrée par l'administration sur les mesures prises pour faire cesser cette situation, le tribunal a commis une erreur de droit ; que, par suite, le MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE est fondé à demander, dans la limite de la cassation qu'il sollicite, l'annulation des articles 1er et 2 du jugement attaqué ;

      Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler dans cette même mesure l'affaire au fond ;

      Considérant, en premier lieu, qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, les dispositions de l'article 5-6 du décret du 28 mai 1982 ne subordonnent pas la reprise de son service par un agent ayant exercé son droit de retrait à une information préalablement délivrée par l'administration sur les mesures prises pour faire cesser la situation ayant motivé l'exercice de ce droit ; que, si ces dispositions prévoient que l'autorité administrative ne peut demander à l'agent de reprendre son activité dans une situation de travail où persiste un danger grave et imminent, elles n'impliquent pas, contrairement à ce que Mlle A soutient, que l'administration doive inviter cet agent à reprendre son travail dès que la situation de danger a disparu ;

      Considérant, en second lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que l'assemblée générale des personnels du lycée Romain Rolland a été informée le 27 janvier 2003 des mesures envisagées pour rétablir la sécurité dans cet établissement scolaire, et qui se sont traduites par une présence policière devant l'établissement une demi-heure lors des entrées et des sorties des élèves et par des rondes régulières aux abords du lycée ; que, dès lors, Mlle A, qui n'allègue pas que le calme n'était pas revenu dans l'établissement le 29 janvier 2003 à la suite de ces mesures, n'est pas fondée à soutenir qu'en estimant qu'elle ne se trouvait pas pour ce jour-là en situation de danger grave et imminent, l'administration a commis une erreur d'appréciation ; que, par suite, l'autorité administrative a procédé à bon droit à une retenue sur son traitement au titre de la journée du 29 janvier 2003 ;

      Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mlle A n'est pas fondée à demander, dans cette mesure, l'annulation de la décision du 12 janvier 2004 en tant qu'elle a rejeté sa demande tendant au retrait de la retenue effectuée sur son traitement pour cette journée ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à l'Etat de lui verser la somme correspondant à cette retenue doivent être rejetées ;

      D E C I D E :
      --------------
      Article 1er : Les articles 1er et 2 du jugement du 3 juillet 2008 sont annulés en tant que le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé, dans la mesure où elle porte sur la retenue effectuée sur le traitement de Mlle A pour absence de service fait pendant la journée du 29 janvier 2003, la décision du 12 janvier 2004 du ministre délégué à l'enseignement scolaire et a enjoint dans cette même mesure au recteur de l'académie de Versailles de rembourser à l'intéressée la somme correspondant à cette retenue.
      Article 2 : Les conclusions présentées sur ce point par Mlle A devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise sont rejetées.
      Article 3 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE, PORTE-PAROLE DU GOUVERNEMENT et à Mlle Stéphanie A."