Le sden-CGT Mayotte a été très présent tout au long du conflit qui a duré plusieurs semaines à Mayotte.
Vous trouverez ci-dessous, un article rédigé par Roger Combarel, nouveau secrétaire général du SDEN, sur les évènements de ces deux derniers mois...

 

Tout a commencé le mardi 27 septembre, jour de la mobilisation nationale sur les problèmes de suppressions de postes. Quelques jours plus tôt, une grosse AG de rentrée de notre syndicat au LP de Kahani décidait d’un appel à l’intersyndicale enseignante locale suivi d’un rassemblement et d’une manifestation commune avec les travailleurs mahorais. Seuls Sud et FO ont répondu favorablement et envoyé quelques militants tandis que le Snes, de son côté, se contentait d’un rassemblement  devant le vice-rectorat.

C’est ce jour-là aussi que l’intersyndicale Cgt-Ma et Cisma-Cfdt appelait l’ensemble de la population à descendre dans la rue pour dénoncer la vie chère et réclamer une baisse générale des produits de première nécessité. Ce fut tout de suite un succès. Devant notre groupe d’enseignants, une importante manifestation composée en majorité de travailleurs mahorais défilait pacifiquement, jusqu’au moment où les gardes mobiles ont voulu l’empêcher de bloquer le rond-point stratégique de Kawéni. C’est à partir de là que les premières lacrymos ont été envoyées et que tout a dégénéré. Les violences ont fait de nombreux dégâts et elles ne se sont plus calmées pendant un peu plus de 6 semaines, entrecoupées çà et là de périodes d’accalmie. Le bilan humain est impressionnant à l’échelle d’une communauté de 200 000 personnes, un adulte mort et un enfant de 10 ans qui a perdu un œil !

Du côté des avancées, on est dans l’expectative car les prix ont augmenté depuis cette période et la situation sociale reste confuse. Durant toute cette période, nous avons essayé d’être présents dans le mouvement et auprès de la Cgt-Ma mais ça n’a pas été toujours très facile. Le syndicalisme Cgt-Ma est jeune à Mayotte (2 congrès) et les camarades manquent cruellement dans des moments comme celui-là, de militants aguerris pour faire face à toutes les situations. On a suivi les manifs à quelques uns, participé aux rassemblements sur le parvis de l’office du tourisme et autres actions mais cependant, tout en se sentant solidaires de ce mouvement largement populaire, nous ne nous sommes jamais situés sur les bases de l’intersyndicale mahoraise… 

Parallèlement, il fallait mettre en place les élections professionnelles avec le VR alors que les collègues étaient encore en vacances de Toussaint (2 semaines ici).
C’est donc dans la plus grande des confusions et au milieu de barrages entrecoupés de violences que les collègues ont rejoint leurs établissements ou plutôt ont essayé de le faire au retour des vacances. Certains ont réussi le lundi et mardi mais très rapidement, les principaux établissements ont été fermés ou presque, empêchant par cela les personnels de voter, car les kiosques de votes s’y trouvaient et le VR n’avait pas prévu de plan «B» (de plus le haut débit n’existe pas encore ici) ! Résultat des courses un fort taux d’abstention en général (surtout chez les contractuels, 30% des profs ici) et une large victoire de la FSU au GCP.  Malgré nos protestations et nos courriers, le VR n’a tenu compte d’aucune de nos remarques et a laissé toute latitude aux CE d’agir selon qu’ils sentaient ou non, un danger pour les personnels. Quel courage !

De notre côté, nous nous sommes associés à la FSU pour appeler les personnels à exercer leur droit de retrait et à ne prendre aucun risque, car les violences sur les routes et autour des barrages devenaient, plus le conflit durait, de plus en plus inquiétantes, les arbres abattus empêchant toute circulation. Les magasins bloqués et parfois pillés furent très vite privés d’approvisionnement. Les stations services ne furent pas trop touchées mais il y avait souvent de très longues files d’attente surtout pour le pétrole dont se sert une partie importante de la population (le gaz bouteille étant lui impossible à trouver).

C’est donc dans cette ambiance que nous avons vécu, avec des lycées pratiquement sans élèves, les transports scolaires n’étant plus assurés du fait des barrages. Seuls faisaient exception les collèges qui recrutaient une population scolaire plus locale et encore pas tous !
Ce mouvement social d’une ampleur inégalée dans l’histoire de cette île a duré 44 jours et s’est soldé par un bilan mitigé. Quelques produits ont effectivement baissé (gaz, ailes de poulet, sac de riz, sable…) mais pour quelques mois uniquement et d’autres, malheureusement en grand nombre, ont augmenté ! Ce qui rend la situation actuelle encore plus incertaine et beaucoup prévoient d’autres grèves et d’autres explosions de mécontentement dans les mois à venir…
On aurait pu espérer reprendre sereinement les cours compte tenu de ce que nous avions subi et vécu. C’était sans compter sur les volontés revanchardes accumulées par nos supérieurs que sont ici le Vice-Recteur Perrin et le nouveau préfet Degos…

Il faut savoir qu’ici, il y a un moment que beaucoup appréhendent, et dont se sert habilement l’administration pour mettre la pression sur les collègues dès le début du séjour. C’est quand, au cours de la 2e année il faut faire ses vœux pour rester à Mayotte encore 2 ans et ainsi toucher de nouveau la prime d’éloignement (qui équivaut à 11 mois de salaire supplémentaires non imposables, par années effectuées). Dans l’écrasante majorité des cas, votre chef signe le renouvellement de votre contrat sans problème. Mais voilà cette année pour des raisons jamais dites officiellement, mais facilement imaginables, il en fut tout autrement pour le secrétaire du Snes local (70% chez les certifiés), pour une syndicaliste de Sud travaillant au vice-rectorat et pour le président du RESF île de Mayotte (plus de 26000 expulsés en 2010 dont 6400 mineurs) ! Ces décisions, soit commanditées par le VR, soit prises directement par le préfet, ont révolté beaucoup de personnes sur l’île et mobilisé nos organisations. Nous avons protesté  publiquement dans les médias locaux, participé aux actions, distribué des tracts sous diverses formes. A ce jour le préfet, qui en bout de course décide de tout ici, n’a pas voulu désavouer son collègue du rectorat, malgré les protestations venues de toutes parts, et c’est même à son initiative qu’a été ajouté sur la liste des 15 non-renouvelés, le nom du camarade du réseau ! Ces décisions sont d’autant plus intolérables qu’elles s’additionnent aux dizaines de collègues qui n’ont pas souhaité rester plus de 2 ans et à ceux partis définitivement pendant le mouvement de grève…

La lutte contre cette atteinte intolérable au droit syndical et au droit associatif ne fait que commencer. Nous avons la volonté d’être aux côtés des collègues et agents injustement renvoyés, et nous ferons tout pour faire annuler ces décisions qui témoignent d’un autre temps, comme nous l’avons déclaré lors de la capa d’avancement d’échelon. Des hommes politiques vont venir de métropole, et en particulier un, que nous comptons bien interpeller sur ces sujets dans les prochaines semaines !
Venant d’une académie déjà très active, je ne pensais pas en venant ici déployer une activité encore plus grande quand, au mois de juin, j’ai accepté de succéder à Morgane,  notre très méritante ex-secrétaire générale. Si le bilan des élections n’a pas été à la hauteur de nos espérances (nous gardons 2 élus mais hélas le Snalc et le Snetaa sont devant nous) il n’en reste pas moins que nos effectifs de syndiqués ont pratiquement doublé en l’espace de quelques mois. Cela est dû aux énergies de chacun et au super travail de l’équipe militante qui m’entoure.
Aussi, si vous êtes fortement altruiste et que vous aimez l’aventure, que vous vous faites une idée peinarde  de ce genre d’endroit ou que vous ayez tout simplement de l’énergie à revendre…N’hésitez surtout pas à venir enseigner à Mayotte, 101e département français. Les élèves méritent vraiment vos talents, et le mot « militer » prend ici une saveur, particulière…

Roger Combarel, secrétaire du Sden-CGT Éduc’action Mayotte. Le 20/12/2011

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