Transformation d'un contrat CDD en CDI et conditions d'appréciation de la continuité de l'engagement d'un agent contractuel dans le temps.

La Direction des Affaires  Juridiques (DAJ) du Ministère de l'Éducation Nationale (MEN) a publié dans sa Lettre d'Information Juridique (LIJ) des interprétations, du point de vue de l'employeur (MEN), concernant, d'une part, la transformation  d'un contrat CDD en CDI et, d'autre part, les conditions d'appréciation de la continuité de l'engagement d'un agent contractuel dans le temps, le tout au regard de la réglementation en vigueur et de la jurisprudence dans les deux domaines sus cités.

RÉSUMÉ

Concernant la transformation d'un contrat CDD en CDI, il en ressort les points suivants :

  • Un contrat à durée déterminée d'un agent recruté au titre de l'article 4 de la loi du 11 janvier 1984 (pour satisfaire une besoin permanent - le plus courant dans l'Éducation nationale - ) ne peut pas être transformé en contrat à durée indéterminée avant le terme de la période de six ans pendant laquelle il a été successivement reconduit. Cependant, les  établissements (université) bénéficiant des responsabilités et compétences élargies dans les conditions prévues par l'article L. 712-8 du code de l'éducation, peuvent recruter, pour une durée déterminée ou indéterminée, des agents contractuels pour occuper des fonctions techniques ou administratives correspondant à des emplois de catégorie A ou des fonctions d'enseignement ou de recherche.
  • La période de six années pendant laquelle l'agent, recruté au titre de l'article 4 de la loi du 11 janvier1984 , ayant  bénéficié de contrats à durée déterminée successifs, doit être appréciée au regard du même employeur (même rectorat, même IA, même administration centrale...)
  • Un contrat à durée indéterminée peut être proposé à un agent recruté au titre de l'article 6(*) de la loi du 11 janvier 1984, quelle que soit la durée pendant laquelle ce dernier a bénéficié d'un contrat à durée déterminée. Attention, ce contrat à durée indéterminée ne pourra être établi qu'au titre du 1er alinéa de  l'article 6. 

 (*) :
1er alinéa de l'article 6 : satisfaire à un besoin permanent et n'excédant impliquant un service à temps incomplet d'une durée n'excédant pas 70 % d'un service à temps complet  

2ème alinéa de l'article 6 : satisfaire à un besoin saisonnier ou occasionnel.

  • Un contrat à durée indéterminée, proposé à un agent recruté au titre de l'article 6 de la loi du 11 janvier 1984, ne peut prévoir qu'une quotité maximale de 70 %.

 

Commentaire CGT : Pour les collègues contractuels embauchés au titre de l'article 6 de la loi 84-16 du 11 janvier 1984, rien n'interdit l'employeur (rectorat, IA...) de leur proposer un contrat CDI au titre  du même article précité. L'exigence d'avoir cumulé 6 années continues de CDD ne s'applique pas dans ce cas.

Au regard de ce qui est explicité dans la LIJ, un contrat CDD souscrit au titre de l'article 4 ne peut pas être transformé en contrat à durée indéterminée avant le terme de la période de six ans pendant laquelle il a été successivement reconduit (voir ci-dessous).

Toutefois, un agent recruté au titre de l'article 4, ne peut pas se voir proposer, à l'issue de ses 6 années de CDD, un CDI au titre du 1er alinéa de l'article 6 (service à temps incomplet d'une durée n'excédant pas 70 % d'un service à temps complet).  Seul un CDI à temps complet au titre du 5ème alinéa de l'article 4  peut être proposé.

En conséquence, soyons vigilant, veillons également à ce que les employeurs ne transforment pas un contrat CDI établi au titre de l'article 4 en un CDI établi  au titre du 1er alinéa de l'article 6 afin de contraindre nos collègues à accepter un temps incomplet à 70% d'un temps complet. Ce n'est pas légal.  

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Concernant les conditions d'appréciation de la continuité de l'engagement d'un agent contractuel dans le temps

 

La Cour  de Justice des Communautés Européennes considère qu'un état, qui impose  dans sa réglementation nationale, une rupture de continuité de contrats s'ils sont  séparés des uns des autres de plus de 20 jours, ne respecte pas l'esprit de la clause 5 de l'accord cadre sur le travail à durée déterminée (directive 1999/70/CE).

En outre, elle admet que des contrats séparés par un laps de temps inférieur à 3 mois peuvent être regardés comme ayant un caractère successif au sens de ladite clause. 

Pour certaines situations, faire référence à ces commentaires auprès des employeurs des agents non-titulaires de l'état (Rectorat, IA...) pourra permettre à nos collègues d'obtenir une éventuelle transformation de leur contrat CDD en un contrat CDI.

CE QUE DIT LA L.I.J. :

Transformation – C.D.D. – C.D.I. : Lettre DAJ B1 n° 09-30 du 30 janvier 2009 (LIJ n°133 de mars 2009, page 26)

Un établissement a demandé que lui soient apportées différentes précisions concernant la transformation des contrats à durée déterminée des agents non titulaires en contrats à durée indéterminée, en distinguant les recrutements intervenus initialement, soit au titre de l’article 4, soit au titre de l’article 6, de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État.

1. Le contrat à durée déterminée d’un agent recruté au titre de l’article 4 de la loi du 11 janvier 1984 peut-il être transformé en contrat à durée indéterminée avant le terme de la période de six ans pendant laquelle il a été successivement reconduit ?

Les dispositions du 5e alinéa de l’article 4 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 prévoient que si, à l’issue de la période maximale de six ans, un contrat à durée déterminé est reconduit, il ne peut l’être que par décision expresse et sous la forme d’un contrat à durée indéterminée.
La loi précitée n’a prévu aucune exception à ces dispositions.
Toutefois, en application des dispositions de l’article L.954-3 du code de l’éducation, applicable aux établissements bénéficiant des responsabilités et compétences élargies dans les conditions prévues par l’article L. 712-8 de ce même code, le président d’université peut recruter, pour une durée déterminée ou indéterminée, des agents contractuels pour occuper des fonctions techniques ou administratives correspondant à des emplois de catégorie A ou des fonctions d’enseignement ou de recherche.
On ne saurait donc exclure l’hypothèse où un agent, avant l’expiration de la période de six années prévue par l’article 4 de la loi du 11 janvier 1984, se verrait proposer, non pas la reconduction de son contrat initial sous la forme d’un contrat à durée déterminée, mais un nouveau contrat, à durée indéterminée, conclu formellement sur le fondement de l’article L. 954-3 précité du code de l’éducation.
Afin d’éviter que le juge administratif ne requalifie le contrat initial en contrat à durée indéterminée en considérant que le nouveau contrat n’est que le renouvellement du précédent, il conviendrait que les fonctions confiées à l’intéressé soient notablement différentes de celles qu’il a, jusqu’alors, assurées.

2. La période de six années pendant laquelle l’agent, recruté au titre de l’article 4 de la loi du 11 janvier1984, a bénéficié de contrats à durée déterminée successifs, doit-elle être appréciée au regard du même employeur ?

Le caractère successif des contrats à durée déterminée, ouvrant droit, à l’expiration d’une période de six ans, à leur renouvellement sous forme de contrat à durée indéterminée, ne peut être retenu que dans la mesure où l’agent a été lié au même employeur.
La continuité des contrats à durée déterminée nécessite le rattachement au même employeur et l’on peut admettre, par exemple, que l’administration centrale ou ses services déconcentrés sont des employeurs distincts des établissements publics dotés de l’autonomie morale et financière.

3. Un contrat à durée indéterminée peut-il être proposé à un agent recruté au titre de l’article 6 de la loi du 11 janvier 1984, quelle que soit la durée pendant laquelle ce dernier a bénéficié d’un contrat à durée déterminée ?

Les dispositions de l’article 6 de la loi précitée du 11 janvier 1984 n’imposent aucune condition d’antériorité d’un contrat à durée déterminée lors du recrutement d’un agent devant assurer des fonctions qui, « correspondant à un besoin permanent, impliquent un service à temps incomplet n’excédant pas 70 % d’un service à temps complet» (ou des « fonctions correspondant à un besoin saisonnier ou occasionnel »).
Toutefois, il faut observer qu’un contrat à durée indéterminée établi sur le fondement de l’article 6 de la loi du 11 janvier 1984 correspond à un objet différent de celui d’un contrat à durée déterminée reposant sur l'article 4. Telle est donc la raison pour laquelle, si l’agent conserve les mêmes fonctions, le renouvellement, sous la forme d’un contrat à durée indéterminée de contrats à durée déterminée successifs, tel qu’il est prévu par le 5e alinéa de l’article 4, ne saurait prendre la forme d’un contrat à durée indéterminée répondant aux dispositions de l’article 6.
Il ne semble pas, toutefois, que cette hypothèse soit envisagée par l’établissement qui s’interroge sur la possibilité de proposer des contrats à durée indéterminée à des agents du niveau de la catégorie B ou C, lesquels n’ont pu être recrutés sur le fondement de l’article 4, 2°.

4. Le contrat à durée indéterminée, proposé à un agent recruté au titre de l’article 6 de la loi du 11 janvier 1984, ne peut-il prévoir qu’une quotité maximale de 70 % ?

La loi du 11 janvier 1984 ne contient aucune disposition qui permettrait de déroger à la quotité maximale de 70 % d’un service à temps complet fixée par son article 6.

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Commentaires de la DAJ (Direction des Affaires Juridiques), inhérents aux conditions d’appréciation de la continuité de l’engagement d'un agent contractuel dans le temps (LIJ n°134 d’avril 2009, page 14).

En effet, la directive 1999/70/CE du Conseil du 28 juin 1999 concernant l’accord-cadre de la Confédération européenne des syndicats (CES), de l’Union des confédérations de l’industrie et des employeurs d’Europe (UNICE) et du Centre européen des entreprises à participation publique (C.E.E.P) sur le travail à durée déterminée, que transpose la loi du 26 juillet 2005, a pour objet en particulier d’établir un cadre pour prévenir les abus résultant de l’utilisation de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs.

Si la clause 5 de l’accord-cadre confie aux États membres le soin de déterminer notamment sous quelles conditions les contrats ou relations de travail à durée déterminée sont considérés comme successifs, la C.J.C.E. (Cour de Justice des Communautés Européennes) considère que des contrats peuvent être regardés comme tels, alors même qu’ils ne se suivent pas immédiatement (C-212/04 (grande chambre) du 4 juillet 2006, KONSTANTINOS ADENELER et autres c/ ELLINIKOS ORGANISMOS GALAKTOS).

Plus précisément, la cour a jugé dans cette affaire que la clause 5 de l’accord-cadre doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une réglementation nationale qui considère que seuls les contrats ou relations de travail à durée déterminée qui ne sont pas séparés les uns des autres par un laps de temps supérieur à 20 jours ouvrables doivent être regardés comme ayant un caractère «successif » au sens de ladite clause. Dans ses conclusions sur cet arrêt, l’avocat général, après avoir souligné que «la notion de “caractère successif” est l’une des notions juridiques essentielles de l’accordcadre » précisait que «en effet, si seuls les contrats de travail à durée déterminée conclus à des intervalles de 20 jours ouvrables au plus sont considérés comme “successifs”, il devient facile de contourner l’objectif de protection des travailleurs contre les abus poursuivi par l’accord-cadre.

Il suffit alors de laisser à chaque fois s’écouler 21 jours ouvrables avant de conclure un nouveau contrat de travail avec le même travailleur […]. Un délai aussi bref et rigide permettrait d’employer un travailleur pendant des années de manière continue, à l’exception de courtes interruptions d’une durée respective de 21 jours ouvrables, sans que les dispositions nationales visant à prévenir les abus puissent s’appliquer.

En définitive, cela aurait pour effet d’encourager le recours abusif aux contrats de travail à durée déterminée ».

Plus récemment, la cour a estimé que la clause 5 de l’accord-cadre doit être interprétée en ce sens qu’elle ne s’oppose pas, en principe, à une réglementation nationale en vertu de laquelle seuls les contrats ou relations de travail à durée déterminée qui sont séparés par un laps de temps inférieur à trois mois peuvent être regardés comme ayant un caractère successif au sens de ladite clause [C-364/07, Ordonnance de la cour (troisième chambre) du 12 juin 2008 SPYRIDONVASSILAKIS et autres c/DIMOS KERKYRAION].

FAISONS EN SORTE D'IMPOSER CETTE INTERPRÉTATION À TOUS LES EMPLOYEURS PUBLICS.