Source : LIJ n°168 - octobre 2012 -

C.E., Section, 27 juillet 2012,  M. X c/ Ministre des affaires étrangères et européennes, n° 344801, au Recueil Lebon

Le Conseil d’État a jugé « qu’il résulte de la combinaison  de  ces  dispositions  [des  articles 8 et 20  de  la loi n° 83-634  du 13 juillet 1983  modifiée  portant droits et obligations des fonctionnaires, ainsi que de l’article 33 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984  modifiée  portant dispositions  statutaires relatives à la fonction  publique de  l’État] que  le fonctionnaire  de  l’État qui  bénéficie d’une décharge  totale de service pour l’exercice d’un mandat syndical a droit, durant l’exercice de ce mandat, que  lui soit maintenu le bénéfice de  l’équivalent des montants  et droits de l’ensemble  des primes et indemnités  légalement  attachées  à l’emploi qu’il occupait avant d’en être déchargé  pour exercer son mandat,  à l’exception des  indemnités représentatives  de  frais et des indemnités destinées  à compenser des charges et contraintes particulières, tenant notamment à l’horaire, à la durée du travail ou au lieu d’exercice des fonctions, auxquelles le fonctionnaire  n’est plus exposé  du fait de la décharge  de service ; que,  sous les mêmes réserves, le fonctionnaire  qui bénéficie  d’une décharge  partielle de  service  a droit,  durant  l’exercice de  son  mandat syndical,  au versement de  l’ensemble des  primes  et indemnités qui lui sont attribuées au titre des fonctions qu’il continue d’exercer,  au taux déterminé pour  les fonctions  effectivement exercées,  appliqué  sur la base d’un temps  plein »...

En l’espèce,  était en cause  le droit d’un fonctionnaire, bénéficiaire d’une décharge totale de service pour l’exercice d’un mandat  syndical, à ce que lui soit maintenu le versement de la prime de fonctions informatiques (P.F.I.) instituée par le décret n° 71-343 du 29 avril 1971 relatif aux fonctions et au régime  indemnitaire des fonction- naires de l’État et des établissements publics affectés au traitement  de l’information.

Faisant application du principe  dégagé  par sa décision, le Conseil d’État a ainsi jugé que le tribunal administra- tif avait commis  une  erreur  de droit en estimant  « que le bénéfice  de  la P.F.I. est lié à l’exercice effectif  des fonctions  de traitement de l’information dans les centres automatisés de traitement de l’information et que les dispositions de l’article 33 de la loi du 11 janvier 1984 et de l’article 8 de la loi du 13 juillet 1983 ne sauraient donner droit aux fonctionnaires  bénéficiant  d’une  décharge  de service pour l’exercice d’un mandat  syndical  au verse- ment  de primes ou indemnités liées à l’exercice effectif de certaines fonctions ».
N.B. :  Par cette  décision  du  27 juillet 2012,  le Conseil d’État abandonne sa  jurisprudence antérieure, qui  re- tenait  le critère  de l’exercice  effectif des fonctions  pour déterminer la ligne de partage entre les primes et indemnités dont  le bénéfice est maintenu au fonctionnaire en décharge syndicale  et les primes  et indemnités dont  le bénéfice   lui  est  supprimé  (C.E., 7 juillet  2005,  Mme   X et autres, n° 255395, aux tables du Recueil Lebon, p. 693,
710, 714-715, 727, 933 et 937).
Aux termes de la construction jurisprudentielle dégagée par la décision  de section  du 27 juillet 2012,  seules les « indemnités représentatives  de  frais et les indemnités destinées  à compenser des charges et contraintes  particulières, tenant  notamment à l’horaire, à la durée  du travail ou au lieu d’exercice des fonctions,  auxquelles le fonctionnaire  n’est plus exposé du fait de la décharge de service », c’est-à-dire  les primes et indemnités liées aux conditions matérielles  de travail, ne sont pas maintenues au fonctionnaire en décharge syndicale.
Ce revirement  de  jurisprudence était  annoncé par  la décision  du Conseil d’État n° 295039 du 7 juillet 2008 (X, aux tables du Recueil Lebon, p. 786 et 789), qui avait jugé que « le fonctionnaire  territorial auquel est attribuée une décharge  partielle de service pour mandat  syndical a droit, durant l’exercice de ce mandat,  au versement, sur la base d’un temps plein, des primes de service et de rendement qui lui sont attribuées au titre des fonctions qu’il continue d’exercer [et ce], au taux effectivement constaté [et qu’]en conséquence, commet une erreur de droit le tribunal administratif estimant qu’eu égard à l’absence  de service effectif  pendant sa décharge  partielle de service, un fonctionnaire  n’est pas fondé à demander l’annulation d’une décision  refusant  de  lui rétablir le bénéfice  d’une  prime de rendement et de service dans son intégralité ».
Dans  ses conclusions sur cette  décision,  le rapporteur public  avait, en effet, souligné  les limites du critère de l’exercice effectif des fonctions  dans le cas d’une prime de service  et de rendement supprimée à un  fonctionnaire territorial bénéficiaire d’une décharge partielle  de service,  et il avait préconisé de compléter la jurisprudence  dégagée  par la décision  n° 255395 du  7 juillet 2005  en distinguant  les « primes  liées à l’emploi » des « primes liées à la personne ».

Voir également le n°202 du journal "Fonction Publique" de l'UGFF-CGT (pages 28 à 31)