Un relevé de conclusions peut-il venir à bout d’un malaise qui couve depuis plusieurs années parmi les personnels et qui a éclaté sur le refus de recrutement des EVS du premier degré ? On se rappelle que dans le cadre des consultations menées par D. Antoine, secrétaire général du ministère, la CGT des personnels de direction avait été reçue les 29 novembre et 11 janvier. Il est maintenant possible de dresser un bilan, à la fois de ces discussions et de leur conclusion.
Ces consultations ont le mérite d’avoir débouché sur une réflexion intéressante en ce sens qu’elle a permis un examen exhaustif des missions des EPLE et de la condition des personnels de direction. Toutefois, les propositions du relevé de conclusions ne répondent pas aux attentes de la profession.
La charte des pratiques de pilotage reconnaît qu’il faut recentrer l’EPLE sur ses missions pédagogiques, mais beaucoup des préconisations suggérées sont déjà contenues dans d’autres textes fondamentaux qui, malgré leur ancienneté, ne parviennent pas à produire les effets attendus. L’engagement en faveur d’une autorégulation de la part des services centraux ou déconcentrés imposerait une rationalisation de la circulation et la transmission de l’information qui permette de soulager réellement les EPLE des réponses aux enquêtes. Ensuite l’Institution devrait rompre avec une propension aux gesticulations désordonnées et répétées qui saturent le quotidien de l’EPLE d’injonctions inapplicables.
Les relations entre les EPLE et les collectivités, souvent problématiques, ne trouvent aucune réponse concrète dans la charte. Ainsi, la maintenance informatique qui, au terme de la loi du 13 août 2004, relèverait plutôt de la compétence des collectivités, reste toujours en apesanteur puisque l’Etat n’a pas transféré les maigres personnels ou ressources qu’il consacre à cette tâche, actuellement délaissée, mais combien pesante ! L’autorité fonctionnelle du chef d’établissement sur les TOS est rappelée. On sait que déjà dans plusieurs départements ou régions, les difficultés s’accumulent, les collectivités passant allègrement par dessus le chef d’établissement Si la charte est si courte sur un tel sujet, c’est que le partage des compétences n’est pas encore stabilisé. Les collectivités, dont les compétences ont grignoté celles de l’Etat en matière de schéma des formations veulent investir tout ce qui est à la périphérie de l’enseignement et qui relève du domaine plus flou de l’éducation (cela va de la culture à l’orientation, en passant par la sécurité routière). Il faut pourtant prévenir des sirènes de la décentralisation. Car, malgré le rappel du cadre conventionnel, les relations entre collectivités et EPLE sont déséquilibrées. L’EPLE est toujours le mendiant de la collectivité. Ainsi, la charte soulève les problèmes mais ne donne aucune garantie que le paysage change vraiment.
Les mesures proposées au titre de la reconnaissance professionnelle sont, elles aussi, très en dessous de la revalorisation générale et indiciaire qui était attendue par la profession. L’extension de la moitié de l’IRD aux adjoints relève de l’anecdotique. L’augmentation des effectifs de la Hors-classe et la modification du classement des établissements ne concerneront qu’un nombre limité de collègues. Les écarts de rémunération entre les établissements restent déconnectés des responsabilités et de la charge de travail.
Combien de semaines de 48 heures ?
L’avancée principale serait celle d’une nouvelle définition du temps de travail qui s’appuie sur la notion de cadre autonome pour déterminer un bornage des durées maximales. Toute la question est de savoir si les personnels de direction peuvent venir à bout de leurs tâches dans le cadre des 1 607 heures annuelles (décret d’août 2000). La définition de ces durées maximales sera-t-elle effectivement opposable à la hiérarchie pour justifier une organisation du service qui libère de présence par exemple une 1/2 journée dans la semaine ? L’autonomie vis-à-vis du temps de travail est toute relative car la fonction de direction oblige, de fait, à assurer des tâches au-delà des 1 607 heures, faute des collaborateurs en nombre suffisant ou qualifiés pour assurer la totalité de ces missions. C’est bien l’emploi qui peut réduire effectivement le temps de travail et surtout le recentrer sur les missions. Or, aucune mesure significative n’est annoncée. Les requalifications d’emplois administratifs seront homéopathiques. La constitution d’un pôle administratif suggéré par la charte repose sur une rationalisation de l’organisation interne de l’EPLE. Les marges éventuelles seront gagées sur des regroupements de structures. Il faut donc convenir que ce projet d’arrêté ne changera rien au quotidien de la grande majorité des personnels de direction. Ces consultations, dans lesquelles la CGT s’est exprimée, ne débouchent que sur des progrès mineurs pour la revalorisation financière, illusoires sur le temps de travail et hypothétiques sur le recentrage des missions. Ce maigre bilan est lié au fait que le ministère ne disposait pas des moyens pour répondre à des besoins pourtant identifiés et pour une part reconnus dans les débats. Le financement de ces mesures n’atteint pas le tiers de celui qui avait accompagné la fusion des deux corps en 2001.
D. Antoine a, d’une certaine manière, rempli son contrat. Il nous affrimait vouloir retremper la confiance. La signature du relevé de conclusions vient conclure opportunément le jeu de rôles convenu. Après deux ans de métaphores guerrières (résistance professionnelle, offensive professionnelle), les signataires maquillent la retraite et se disputent un pâle trophée.
Il fallait bien signer pour ne pas conclure à l’impuissance du repli catégoriel sur un dimanche d’automne. Le ministre est donc tranquille… Prochaine manif dans 12 ans ?
A moins que… A moins que les personnels de direction ne fassent rapidement leurs comptes et se lassent d’une ennuyeuse et répétitive comédie.

Jean Desmares